Faut-il afficher son ambition de distinction auprès des guides ?

Alors que le guide Gault & Millau 2017 vient de paraître avec son talent inimitable pour révéler des tables et ainsi être un accélérateur de notoriété, les « séances  étoiles » s’organisent, se finalisent, pour un second volet de mise en lumière du pouvoir de la joie pour février 2017.

Ce rythme de publication de guides éclaireurs, met en avant toute une profession pour la faire connaître au plus grand nombre.

Ainsi, les journalistes grand public puisent les contenus des guides et les diffusent dans leurs médias respectifs pour exposer le chef au plus grand nombre. Par ce biais, ce dernier  développe sa notoriété, et ses affaires.

Comme 1+1 font 2, le marché des 700 tables qui composent la gastronomie, pourrait laisser penser qu’il suffit de continuer à progresser dans les distinctions pour développer ses affaires, et pour être certain d’être remarqué, autant affirmer son ambition officiellement !
Communiquer à outrance en amont, comme l’a fait Christian Lesquer où afficher par exemple dans sa cuisine une plaque qui n’aurait que deux étoiles et en dessiner une troisième pour rappeler à ses collaborateurs l’ambition de la maison…

J’ai toujours pensé que les étoiles et les notes n’appartiennent pas aux chefs, ni aux guides mais au public, c’est-à-dire qu’une distinction est puissante, lorsqu’elle est connue et partagée par le plus grand nombre. Dans cette phase de recherche de progression, la question est :

Est-ce que cela va plus vite en le disant ou l’humilité est aussi une forme d’accession au Graal ?

La première idée à laquelle  il faut tordre le coup est que Christian Lesquer aurait eu la troisième étoile suite à son coming-out médiatique et qu’une fois devenu personnage public « le guide n’aurait pas pu faire autrement »… avec cette logique, Jean-François Piège fêterait déjà sa quatrième étoile.

Communiquer davantage n’a jamais influencé. Cependant, communiquer mieux et surtout par le biais de ses  propres clients par courrier ou par courriel reste un élément fondateur pour susciter l’intérêt.

A la simple lecture de ces phrases, « j’ai du talent, vous devriez le faire savoir », ou « les équipes de cette table et ce chef ont du talent, nous clients, nous aimerions vous le faire savoir », nous pouvons penser que la force de la prise de parole d’une tierce personne apporte de la lisibilité et de la crédibilité.

Avoir une nouvelle distinction, ce n’est pas devenir meilleur, c’est déjà avoir le niveau.

Si dans votre ADN cette idée de progression vous habite, je recommande plusieurs étapes qui permettent d’atteindre avec sérénité, humilité et partage cette ambition.

1 – S’installer dans une véritable logique d’entrainement et de progression métier.

Le travail mental, de manière automatique combiné au débriefing, force l’aisance et la sérénité. Être capable de mettre à profit la bonne décision sur l’assiette, donner la meilleure émotion gustative, c’est renforcer sa régularité pour faire la différence.

2 – Oser et seulement avec  audace.

Se « lancer » ne suffit pas. La vie professionnelle est faite de force et de fragilité, il faut vous accorder le droit de réussir, chaque personne en a les moyens, c’est ensuite la mise en œuvre de la méthode qui apportera de la structure qui elle-même se répercutera sur une idée de conviction pour atteindre un niveau de quête d’excellence.

3 – Ne vous comparez plus.

Le secteur de la gastronomie est trop fermé et une trop grande majorité de chef s’observe et se compare. S’affranchir du regard des autres, c’est éviter de se comparer et ainsi faire la différence pour révéler sa propre identité. Il faut aussi accepter que l’on ne puisse pas plaire à tout le monde.

4 – Donnez-vous du temps pour réussir.

« Si ce n’est pas cette année, j’arrête… ». Alors que le guide Gault & Millau a développé une structure agile, le Michelin a plus de mal à révéler en France des maisons plus rapidement surtout dans le haut du panier, alors que dans le nord de l’Europe, certaines maisons arrivent en 5 ans à gagner 3 étoiles.

D’après certains, la cuisine française n’est pas la meilleure du monde, j’ai toujours pensé qu’elle en était la matrice.

Par conséquent, est-ce que la décision est plus difficile en France ? Oui, car déjà une trentaine de tables ont le Graal, ce qui fait que la force d’une distinction, c’est aussi sa rareté.

Plus le cercle est fermé, plus il a de valeur.

Nous vivons dans une société où on veut tout, tout de suite, et parfois si possible sans faire d’efforts. Les maisons de plus de 100 ans ont la culture du petit pas, celui qui laisse une empreinte solide et immuable. La gastronomie, c’est le secteur de la haute performance, il faut autant s’occuper de soi que se donner du temps pour travailler.

5 – Combattre les idées reçues, flinguer les idées qui parasitent.

Gagner une nouvelle étoile ou une meilleure note, ce n’est pas un exploit, c’est une conséquence de nombreuses décisions.

Ainsi, avec sa propre estime de soi et des autres, on gagne en motivation et en concentration. Cependant, notre environnement comme les réseaux sociaux et radio casserole sont autant utiles que paralysants, il y circule des informations sans fond, relayées par les « sachants » qui ne prennent de l’ampleur que par leur obsession à dénoncer ou relayer.

Pensez-vous qu’une entreprise internationale à la culture paternaliste et cotée au CAC40 pour un montant de 24 milliards de dollars de chiffre d’affaires se connecte tous les matins aux potins ?

Comme chaque groupe, il dispose surement  d’une cellule de veille pour observer le marché, mais distinguer c’est avoir une analyse en profondeur.

Alors, il est normal que votre entreprise qui se place sous le signe de la haute performance, vive des temps de pression.

Il y a deux types de pression : la bonne et la mauvaise.

Celle appelée le  « trac » est la bonne. Le trac, c’est la peur de mal faire, c’est un état normal, court, qui se gomme grâce à la répétition du geste,  le savoir-faire et le professionnalisme.

Les entreprises qui ne progressent pas ont en réalité de la mauvaise « pression » appelée « le stress », c’est là ou s’installe « la peur de faire », car ici les moyens se perdent par un manque de structure, ainsi l’expérience client s’efface voire se dégrade.

Dans l’écosystème d’une entreprise qui progresse, il faut ainsi faire la différence entre l’essentiel et l’important et ne pas remarquer les idées qui parasitent

6 – S’entourer et développer la culture de l’attitude combinée à l’action.

Progresser, c’est définir une quête et c’est aussi trouver les refuges nécessaires pour analyser, observer, débriefer. Ainsi, l’entourage professionnel compte. Savoir s’entourer, c’est rompre avec sa solitude.

Pour développer cette culture de la haute performance, il faut passer à l’action, être proche du terrain et avant tout des clients, de leurs ressentis, de leurs analyses, de leurs expériences, il faut « mouiller le maillot » et en devenant un jour dispensable.

Monsieur Paul avait joliment expliqué à un journaliste que ceux sont les mêmes qui font la cuisine, qu’il soit là ou pas. C’est cette confiance que vous donnez aux autres et l’exemple que vous montrez, qui permettront aux femmes et aux hommes de continuer à faire évoluer la matrice.

J’ai confiance en la matrice car je sais que ceux qui l’animent sont aussi ceux qui lisent ce billet.

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